Dès que je l'ai vu j'ai tout de suite été charmé par son sourire. Elle sourit tellement, qu'il est difficile de se rappeler comment est son visage sans ce sourire qui semble être de naissance. La première fois que je l'ai rencontré, elle venait de sonner à ma porte pour m'annoncer qu'elle était ma nouvelle voisine et qu'elle m'invitait, ainsi que toute la rue, à venir fêter son arrivée chez elle le soir-même. J'y suis allé en espérant pouvoir la connaître un peu mieux. Mes espoirs furent comblés puisque le soir même, je me trouvais chez elle, assis à côté d'elle en train de discuter de nos vies. Elle m'apprit alors que son prénom était Jazz, et qu'elle avait emménagé ici parce qu'elle venait de trouver un nouveau travail. Elle me dit également que ses parents étaient morts quand elle avait dix-neuf ans et qu'elle avait dû élever sa petite sœur, de dix ans sa cadette. Il était incroyable de voir comment elle racontait cela, avec un tel détachement et sans aucune émotion dans la voix. Elle était là souriante et heureuse de vivre, alors qu'elle avait perdu ses parents et moi j'étais assis à côté d'elle, cela faisait dix-huit ans que mon père était décédé et je ne m'en étais toujours pas remis. J'avais envie d'en apprendre plus, de voir d'où elle tenait toute cette force. La seule chose que je pus lui apprendre sur moi c'était mon prénom et mon métier. En réalité je ne trouvais rien d'autre à lui dire, ma vie était inintéressante au possible et je n'avais plus de vie depuis la mort de mon père, chose que j'omis de lui apprendre. Elle ne semblait pas désireuse d'en savoir plus, elle ne voulait pas me forcer la main, ce qu'elle m'apprit par la suite. Par la suite, je trouvais plein de prétexte pour lui rendre visite. Je devais sans doute être très maladroit, mais elle m'accueillait toujours avec le sourire et avec un plaisir non dissimulé. Comme j'étais incapable de faire le premier pas avec elle, c'est elle qui le fit en m'embrassant. C'était il y a un an et c'est ainsi qu'a débuté notre relation. Nous nous entendions à merveille et j'étais ravi de voir que j'avais tant de points communs avec elle, comme le sport ou bien la famille. Il est vrai que la famille est très important pour moi, comme pour elle. Elle m'a confié qu'elle ferait n'importe quoi pour sa sœur, comme je ferais n'importe quoi pour ma mère ou mon frère. C'est pourquoi elle n'a jamais trouvé mes relations avec eux trop envahissantes, elle s'est toujours contentée de les accepter, parce qu'elle savait ce que c'était de perdre un être cher et de vouloir être proche de ceux que la personne disparu avait laissé derrière elle. Elle était comme moi après tout, altruiste et dévouée, sauf qu'elle arrivait à faire passer sa vie avant celle des autres. Ce que je n'ai jamais réussi à faire. Lorsque je me suis rendu compte que j'avais passé vingt-sept ans de ma vie à m'occuper des autres et pas de moi, et que je ne savais même pas qui j'étais, j'ai commencé à boire. Au début c'était quelques verres le soir, maintenant c'est quelques verres tout le temps. Sauf que Jazz ne l'a pas supporté et il y a deux semaines elle est partie, elle a fait ses valises et elle a quitté la maison sans me dire où elle allait. Elle m'avait pourtant prévenu, mais je ne l'ai pas écouté. Pourtant je le savais, c'était la boisson ou elle. Le problème c'est que je n'arrive pas à arrêter, comme je n'arrête pas de penser à elle. Elle me manque terriblement, je l'aime plus que je n'ai jamais aimé personne. Je tiens à elle autant qu'à ma mère, et elle sait à quel point cela veut dire beaucoup. Je veux simplement qu'elle revienne, mais pour cela il faudrait que j'arrête de boire. Je ne sais pas si j'en suis capable, j'ai besoin qu'elle m'aide, j'ai besoin de son sourire ...