you know i'm no good [R]

JULES&ISAAC

Il devait être presque dix heures lorsque je me suis réveillé. Pas avec le chant des oiseaux, la brise du vent ou un rayon de soleil qui m'aurait aveuglé, non avec un réveil, alors que nous étions un samedi matin. Difficilement, je quittais mon lit douillet pour rejoindre la douche, me cognant au passage, à ma table de chevet. Je me passais tout d'abord de l'eau sur le visage afin de me réveiller, bien que cela ne marchait pas sur moi. J'entrais finalement dans la douche, à moitié endormi, pour en ressortir une quinzaine de minutes plus tard. J'enfilais un jean, parce que même si c'était l'été, il y avait du vent dehors, et le soleil avait du mal à imposer sa présence avec les nuages. Je mis un sweat-shirt entre le gris et le bleu, assez moulant et fin pour ne pas que j'ai trop chaud. Je me coiffais légèrement, avant de faire un tour dans la cuisine et de me servir un bon café. J'avais l'habitude de me lever tôt, même les week-end, mais je ne supportais toujours pas. Entre les cours et mon travail de mécanicien, j'avais peu de temps pour faire une grâce matinée.

Quand je fus prêt, je quittai mon petit studio, mais qui me suffisait amplement, bien qu'avec ma sœur qui vient de refaire surface dans ma vie, c'était plus difficile. J'entrais dans ma vielle voiture d'occasion, démarrant le moteur, direction la bibliothèque de l'université. J'étais heureux de pouvoir reprendre mes études, et même si je ne le montrais pas, les cours me passionnaient. Je garais mon engin avant de prendre la direction de la bibliothèque. J'y passais beaucoup de temps. Être entouré de livres, c'était magique pour moi, c'était comme une deuxième maison.

Je pénétrais à l'intérieur, regardant partout autour de moi dans le but de voir Jules. Ah Jules, tout un personnage. J'avais été obligé de faire un devoir noté avec elle, et pour ce faire elle m'avait donné rendez-vous ici à dix heures et quelques. D'après ma montre, il était dix heures et dis minutes, en espérant qu'elle ne me fasse pas la morale parce que j'étais en retard. Je présentais ma carte d'étudiant afin de pouvoir entrer, avant d'apercevoir au loin, une brune qui me faisait des signes. Dans le genre discret j'étais servis, elle ne pouvait pas s'empêcher de se faire remarquer cette fille : j'aimais ça. Je marchais d'un pas rapide vers elle, elle tapota sur une chaise à côté de la sienne. Je m'y assis, sortant mes affaires. ▬ Salut. Dis-je simplement, sans même la regarder. Dans le genre conversation, j'étais celui qui répondait par un oui de temps en temps, mis à part des livres, je n'aimais pas parler. Pas à des inconnus. Jules était loin d'être une inconnue à mes yeux.

Un devoir commun. Ces mots raisonnaient dans ma tête depuis plus d'une semaine. Un devoir commun. Voilà ce qui m'était tombé dessus, je devrais plutôt dire ce qui nous était tombé dessus ! A ma grande surprise c'était le professeur qui avait formé les duos et - je ne sais pas si pas malheur ou par bonheur – je m'étais retrouvée avec Isaac. Isaac Shawn-Jones ou comment appeler plus simplement l'homme qui ne parle à personne. Je ne savais pas encore si je devais me réjouir de cette coopération ou si je devais signer mon arrêt de mort tout de suite. Quoi qu'il en soit j'allais peut être enfin pouvoir en savoir d'avantage sur lui. Depuis le premier jour à l'université je tente, tant bien que mal, d'apprendre à le connaître, mais je dois avouer que jusqu'à maintenant je n'ai connu que de plates défaites … Mais n'étant réellement pas du genre à m'avouer vaincue trop vite j'ai fièrement décidé de tenter le tout pour le tout pendant les jours à venir. J'avais d'ailleurs commencé la première phase de mon plan que j'avais nommé « Approche en douceur de l'Homme tant convoité. ». Je lui avais donc donné rendez-vous à dix-heures à la bibliothèque de l'université. Je savais que je pouvais toucher une de ces cordes sensibles, car une des rares choses que je savais à son propos c'était qu'on partageait la même passion pour les livres, la littérature, et les lieux comme celui-ci qui regorgeait de lettres, de poésies, de tout ce qui fait vraiment rêver un étudiant en lettres.

Une journée d'été, comme tant d'autre pour n'importe qui, mais pas pour moi. J'allais enfin pouvoir avoir une vraie conversation avec Isaac. J'avais tenté de me préparer mentalement à cette rencontre, si bien que j'en rêvais presque. Je dois avouer que je n'en ai parlé à personne, même pas à Nolan. J'ai un peu honte, j'ai l'impression de persécuter Isaac mentalement. Mais on m'a toujours appris à aller au bout de ses idées. Action. Réaction.
En me levant – bien trop tôt à en croire l'heure qu'affichait le réveil – je ne savais pas par où commencer. Devais-je y aller le plus naturellement possible ou au contraire, m’apprêter ? J'étais forcée de reconnaître qu'il me plaisait, bien plus que je ne le disais. Après mûre réflexion je décidais d'y aller le plus nature possible, un simple short en jean et un tee-shirt de James Brown. Et puis en regardant par la fenêtre je me rendis à l'évidence : le vent soufflait un peu fort, j'emporterai alors un cardigan vert bouteille. Et puis je me plongeais dans un bouquin avant de sortir.

La bibliothèque était presque entièrement vide, mais la seule présence des livres me réchauffait instantanément. J’aperçus du coin de l’œil quelques élèves qui avaient le même devoir que nous. Certains s'engueulaient, d'autres parlaient d'un tout autre sujet. Je décidais de prendre une table vide, éloignée de tout visage connu. Je sortis mes affaires et attendis dix minutes, peut être les plus longues de ma vie. Isaac apparut enfin, il me chercha brièvement du regard. Discrète comme je suis, je me levais et agitais mes bras pour lui indiquer ma place, il arriva presque aussitôt et lâcha en tout et pour tout qu'un simple « Salut. » Froid et fuyant il l'avait rapidement glissé avant de sortir ses affaires. « Salut Isaac ! » J'essayais de paraître plus enjouée que lui, je ne savais pas vraiment quoi lui dire, il paraissait si … renfermé. « Merci d'être venu. » « On a un devoir commun à rendre je te rappel. » Ça n'allait pas être une mince affaire … « Oui, mais quand même. » Un silence pesant. « Je me suis dit que ce serait mieux de commencer tôt le matin, comme ça on a toute la journée devant nous. Sauf si tu as quelque chose de prévue ? » L'enquête commençait, j'essayais donc d'en apprendre plus sur sa vie, en glissant inopinément des questions personnelles.

JULES&ISAAC

J'étais venu à la bibliothèque par obligation, et parce que même si il m'arrivais d'être en retard, je tenais toujours mes promesses et j'avais bel et bien promis à Jules que je viendrais. J'aurais certainement préféré faire ce devoir commun avec une autre personne, car j'avais un mauvais pressentiment sur cette matinée. Je connais Jules, enfin je connaissais son caractère et sa façon d'être avec les autres, en particulier avec moi, et je savais qu'elle allait tenter une conversation, autre que littéraire. Mais j'avais accepté, et pour une tout autre raison que ce devoir. Je devais bien l'avouer, mais cette fille avait quelque chose qui me faisais sourire. Autant dire que si elle n'était pas aussi bornée à me parler et à organiser des rendez-vous, j'aurais été fortement déçu.

Mais j'étais bel et bien là, assis à côté d'elle, en essayant de paraître toujours aussi renfermé pour qu'elle insiste. En fait, c'était une sorte de flirt. Un peu étrange certes, mais la base était bien la même. Pour ne pas paraître encore plus grossier et malpoli que je ne lui avais déjà fait voir, je m'empressais de lui dire salut. Je ne l'avais peut-être pas regarder, mais mon ton était neutre, ni sec, ni doux. Elle me répondit, elle, avait un air beaucoup plus enjoué que moi. Elle me remercia alors d'être venu. ▬ On a un devoir commun à rendre je te rappelle. Soufflais-je simplement, en plaçant mes affaires devant moi dans un ordre précis. Trousse devant, cahier et feuilles en face, livres à droite. J'étais un peu mal à l'aise, je n'avais plus l'habitude d'avoir un "rendez-vous" si on pouvait qualifier ça de rendez-vous, je me plaisais à penser que oui, avec une autre fille que Parker ou Ollie. Et puis, Jules n'était pas vraiment comme ma sœur ou ma meilleure amie, bien au contraire.

Elle commençait déjà à trop parler, par rapport à moi qui n'avait pas dit un mot de ce qu'on voulait nommer de phrase. Elle reprit alors, en me posant une question cette fois. ▬ Je me suis dit que ce serait mieux de commencer tôt le matin, comme ça on a toute la journée devant nous. Sauf si tu as quelque chose de prévue ? On était samedi, bien sur que j'avais quelque chose de prévu. J'aurais du aller travailler au garage ce matin au lieu de venir faire la conservation ici, mais j'avais demander à mon patron ma matinée. Je reprenais le travail en fin d'après-midi, mais elle n'avait pas besoin de connaître tout les détails. Je me contentais de répondre, en la regardant cette fois. ▬ Oui c'est une bonne idée. J'ai quelque à faire en fin d'après-midi, mais on aura terminé d'ici je pense. Je mis du temps à détacher mon regard du sien, mais je réussis à me reprendre avant qu'elle ne s'imagine quoi que se soit. J'ouvrais la tirette de ma trouve avant de reprendre la conservation. ▬ Alors, qui fait quoi ? La connaissant, elle avait déjà tout prévu, ce qui n'était certainement pas plus mal.

Je le voyais classer ses livres dans un ordre bien précis, deux options s’ouvraient à moi. La première étant qu’il soit complètement maniaque, d’où sa rigidité apparente. La seconde, mais je n’ose pas l’imaginer, serait qu’il essaye de faire passer le temps comme il peut, s'ennuyant déjà de ma présence. Mais j’avais la pas si désagréable impression de jouer au chat et à la souris, ça me rappelait étrangement les « suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis » des rendez-vous avec des garçons au collège ou au lycée. Des regards fuyants, presque gênés, un des deux qui essayent tant bien que mal de faire avancer la discussion. Et c’était moi cette personne insistante, surement très lourde à certain moment. Celle qui essaye d’en savoir plus, encore et encore et qui ne peut pas s’empêcher de mettre son grain de sel partout. Je sentais déjà que mes questions commençaient sérieusement à l’embêter, c’était Isaac de toute manière. L’homme secret, l’homme qui ne parle pas. « Oui c'est une bonne idée. J'ai quelque à faire en fin d'après-midi, mais on aura terminé d'ici je pense » Pour la première fois il m’avait regardé, dans les yeux et répondu presque gentiment. J’eus l’impression que ce regard se prolongeait, comme si on avait appuyé sur le bouton ralenti d’une télécommande – bouton qui n’existe d’ailleurs pas -, mais je repris mes esprits, me disant que je m’imaginais bien des choses. Et puis je repensais à sa réponse, quelque chose à faire, une fille peut être. Je ne savais pas du tout si il avait une copine, une fille à qui il osait enfin parler. Si oui, elle avait de la chance, beaucoup de chance.
Il se retrouva face à ses feuilles et fouillant dans sa trousse c’est lui qui continua. « Alors, qui fait quoi ? » C’était court, comme toujours. En temps normal j’aurais déjà tout prévu, les livres dans lesquels chercher, tout ce qui m’aurait semblé intéressant, photocopies, articles de journaux, même le plan, tout. Mais là, rien. Le néant total, un grand vide, le trou noir. J’avais mis des jours à me préparer psychologiquement à cette rencontre, mais jamais, oh grand jamais, je ne m’étais plongée dans ce foutu devoir ! Pour la première fois de ma vie, je n’en avais rien à faire. « Bah, je, euh … » Je me passais la main dans les cheveux, il avait visiblement compté sur mon grand sens de l’organisation. « Je sais pas, on a le temps d’y réfléchir de toute manière. » Je jetais un coup d’œil à ma montre. « Tu as quoi à faire cette après-midi ? Si c’est pas trop indiscret, bien sûr. » Je jouais avec le feu, dangereusement et je risquais même de m’y brûler les ailes, mais c’était trop tentant, en savoir plus sur lui, sur ce qu’il aime. C’était sorti de ma bouche tout seul et je regrettais presque aussi tôt, mais de toute manière j’étais presque persuadée qu’il n’avait pas grand-chose à faire de moi alors au fond, je n’avais rien à perdre.
J’esquivais par la même occasion la question du devoir commun, de sa problématique tordue et compliquée. C’était un gros devoir, à gros coefficient, très important pour le trimestre à venir, mais il y a des jours comme aujourd’hui, où quoi qu’on fasse on ne peut pas se concentrer sur ce qui est important. Je ne pouvais d’ailleurs pas m’empêcher de le fixer quand je parlais, il devait sans doute s’en rendre compte et me prendre pour une vraie psychopathe …

JULES&ISAAC

Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi, mais quand j'ai relevé le regard vers Jules, vers ses yeux clairs brillants, je n'avais plus envie de détourner la tête. J'étais comme ensorcelé par son regard, sous hypnose. J'en étais maintenant certain : Jules, cette fille énervante et magnifique, me faisait un effet fou. Je me raclais la gorge avant de finalement regarder mes affaires, que j'avais soit dit en passant parfaitement mis en place dans le but travailler plus rapidement et plus précisément. J'étais affreusement gêné. La dernière fois qu'une fille avait réussi à me mettre dans un tel état, j'étais devenu une moule, à dire oui à tout, à m'occuper d'elle en me délaissant. Tout ça pour une femme mariée. C'était bien ma veine. Je décidais alors de changer de sujet -qui était moi- pour m'intéresser à notre devoir, où au moins faire semblant. J'adorais mes cours de littérature, et être dans une bibliothèque remplie de livres, et devoir travailler sur un sujet précis. Mais là, impossible de me concentrer avec Jules à côté, et je ne savais pas pourquoi. ▬ Bah, je, euh … Elle ne savait pas par quoi commencer non plus. Je souris. Ce n'était pas dans ses habitude, Jules avait toujours un plan, surtout lorsqu'il s'agissait des cours. Mais là non rien, même si ce devoir était important. Tant pis, on trouvera déjà. ▬ Je sais pas, on a le temps d’y réfléchir de toute manière. C'est comme si elle lisait dans mes pensées. J'hochais la tête avant de lui répondre. ▬ Oui, tu as raison. Je lui lançais un grand sourire. Le genre de sourire que je ne faisais jamais, et encore moins à elle. Je faisais tout pour ne pas croiser ses yeux.

Alors que j'essayais tant bien que mal de réfléchir à comment commencer ce devoir, que je n'avais pas envie de faire, elle était revenue à la charge sur mon rendez-vous de ce soir. ▬ Tu as quoi à faire cette après-midi ? Si c’est pas trop indiscret, bien sûr. Si c'était indiscret, elle le savait très bien, et moi aussi. Elle avait cette manie de vouloir absolument me connaître percer ma coquille. Manie que je détestais, que je détestais aimer. Je pris une grande respiration, en essayant de trouver mes mots. ▬ Je travaille. Répondis-je simplement, mais au fond de moi j'avais envie de lui fournir plus d'explications, même si elle ne m'avait -encore- rien demandé. ▬ Je suis mécanicien le week-end et le soir, c'est pour payer mon studio, et mes factures en général. J'avais pris une voix décontractée, alors qu'au fond de moi j'étais anxieux de ce qu'elle allait me répondre. Elle devait encore plus me prendre pour un associable qu'habituel. C'était étrange, j'avais peur, peur de lui déplaire.

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you know i'm no good [R]

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