Parker n'avait pas remis les pieds dehors depuis qu'elle avait croisé Sean dans la rue, quelques jours plus tôt. Elle avait trop peur de le recroiser. Elle avait prévenu sa patronne qu'elle ne pouvait pas travailler pour le moment, simulant un problème de dos qui l'obligeait à rester allongée. Tu parles, bonne excuse ouais. D'ailleurs elle n'avait plus rien dans son frigo, du coup elle commandait des pizzas, ou des plats préparés. Il lui faisait changer toutes ses habitudes. Voilà donc quatre jours qu'elle restait enfermée chez elle, dans une sorte de torpeur, et emprisonnée avec ses souvenirs et ses pensées. Pas très bon pour elle, tout ça. Mais elle ne voulait pas le revoir, elle ne voulait plus. La jolie blonde avait un besoin urgent de parler, et c'est pour ça qu'elle envoya un texto à son meilleur ami, Isaac, pour qu'il vienne passer la soirée vers elle. Elle avait songé à Becca, mais elle avait son fils à s'occuper. Parker sortit de la douche alors qu'on frappait déjà à la porte. « Meeerde. » Elle prit son portable qui était posé sur le lavabo et envoyé un texto à Isaac. douche, patiente cinq minutes stp. Bon ça se faisait pas vraiment, mais il avait l'habitude avec elle. Elle est toujours en retard de toute façon.

Quelques minutes plus tard, elle vint ouvrir la porte. Elle avait encore les cheveux mouillés et s'était vêtue d'un jogging avec un débardeur. Et Isaac était là, adossé au mur, en face de sa porte., et son portable à la main. « Hey, excuse moi. Tu me connais. » dit-elle en levant les yeux au ciel, mi-gênée, mi-amusée. Elle le fit entrer, et quand il passa devant elle, elle le prit dans ses bras. Ils s'orientèrent vers le grand séjour blanc, elle le laissa un court instant pour aller chercher des bières et des chips. Leur rencontre s'était passée assez, voire même très étrangement. Disons qu'Isaac l'avait surprise en mauvaise posture avec son demi-frère, et il savait qu'ils étaient de la même famille, et que donc, ils ne devaient pas avoir ce genre de relation. C'était comme ça que ça avait commencé. Par la suite, la blonde l'avait supplié de ne rien dire à personne, ce qu'il a fait. Et au fur et à mesure, ils sont devenus très proches. Parker lui a tout expliqué et lui a raconté sa vie qui a été difficile. Le fait qu'ils ne soient pas de la même classe sociale ne changeait rien, au contraire, ça les avaient encore plus renforcés. Et puis Parker se moquait de tout ça, si il ne pouvait exister qu'une seule classe social, elle adorerait. Elle détestait se démarquer de cette façon, même si il lui arrivait parfois d'afficher qu'elle avait de l'argent. Il fallait dire que son boulot de vendeuse de vêtements de luxe l'aidait beaucoup. Mais bon, ce n'était pas la question. Aujourd'hui, il était comme son frère. Un vrai frère, pas celui qu'on couche avec bien sur... Parker éloigna ses pensées de sa tête et revint, deux bières à la main et un paquet de chips. « Tu vas bien ? » Elle s'assit sur le canapé, au côté d'Isaac, lui tendit une bouteille, ouvrit le paquet de chips, ouvrit sa bouteille et piocha une poignée de chips. Bordel on pourrait faire moins gras comme péché mignon. « Je t'en prie, te prives pas, ça m'en fera moins. » fit-elle en riant.

Il avait l'air plutôt en forme. Ça lui faisait réellement plaisir de le voir, elle avait vraiment besoin de ça en ce moment. Besoin de savoir qu'il était là, tout comme Becca, tout comme Kristy, sa sœur. Même si Kristy, bien sur, ne devait rien savoir de tout cela. Parker ne savait pas si Sean lui avait déjà rendu visite, mais elle savait qu'elle, serait très heureuse de le revoir. C'était le grand-frère protecteur, parfait pour elle, et jamais elle n'avait rien soupçonné entre lui et sa sœur. Du moins, Parker l’espérait. Elle ne supporterait pas de perdre sa sœur. Pour lui, encore une fois, enfin à cause de lui. Où d'elle. Finalement si elle perdait sa sœur, ça serait surement de sa faute. Mais Parker préférait ne pas penser à ça maintenant, ça ferait littéralement trop d'un coup. « J'ai connu mieux mais je ne vais pas me plaindre. Alors, c'est quoi ton problème, et ne me dis pas que tout va bien, sinon je décolle pas de ce canapé jusqu'à ce que tu me répondes, même si c'est dans trois jours. » répondit Isaac. Parker sourit faiblement. Elle n'était pas au meilleur de sa forme, c'est vrai. Ils se connaissaient par cœur, il avait donc remarqué que ça n'allait pas. Il fallait dire qu'elle était du genre à s'habiller toujours très bien, même lorsqu'elle recevait son meilleur ami ou les personnes qu'elle ne craignait plus disons. Et ce soir, elle l'avait accueilli en jogging. Et puis les bières et les chips, ça aussi c'était un signe que ça n'allait pas fort. C'était comme les énormes pots de glace que les femmes mangent lorsqu'elles sont tristes, et sans se soucier de grossir, dans les films romantiques. Elle s'était les chips. Leur goût salé, leur croustillant sous les dents. Bref, elle vouait un culte aux chips. Elle allait répondre à la question d'Isaac, mais elle se ravisa. Elle ne voulait pas parler de Sean ce soir, c'était trop douloureux pour elle, ça lui faisait limite peur de parler de lui. Après un an, il revenait, comme si de rien n'était. Parker ne savait pas où il était parti, mais il aurait du y rester. Elle ne s'était jamais senti aussi libre que depuis un an, et depuis qu'il était revenu, elle se sentait à nouveau prisonnière, comme si il était le seul à exister sur cette Terre. Elle n'avait cessé de penser à lui durant ces quatre jours. À lui, à la femme qui l'accompagnait. À leur passé, leur histoire, à tout ce qui les reliaient, et il y avait beaucoup de choses. Trop de choses. Des endroits, des parfums, des mots. Ça la perturbait trop, alors que ça ne devait pas. Elle ne pouvait pas cacher ça à Isaac, et puis elle avait besoin d'en parler, malgré le fait qu'elle ne le veuille pas. Sinon elle allait devenir folle à garder tout ça pour elle. Et puis Isaac connaissait bien leur petite histoire, et elle ne le remercierait jamais assez de n'avoir rien dit, et de ne l'avoir jamais jugé. « Il est revenu. » Comme la blonde ne savait pas si Isaac comprendrait, elle rajouta, avec difficulté. « Sean. » Même prononcer son nom lui était difficile. Elle but une gorgée de sa boisson, comme si ça pouvait l'aider à oublier, ne serait-ce qu'un peu, que son demi-frère, que son seul amour, était de retour dans sa vie. Elle plongea ses yeux bleus, remplis de tristesse, dans ceux de son meilleur ami. « Je l'ai vu Isaac, il était de l'autre côté de la rue, il y a quelques jours. » Elle avait soudain une grande envie de pleurer, de lâcher tout ce qu'elle retenait depuis des années, mais ne le fit pas. Elle avait toujours été forte, et elle le serait à nouveau cette fois-ci. Parker baissa les yeux, prit une nouvelle poignée de chips et les fourra dans sa bouche, comme si ça pouvait être le meilleur remède qui pouvait exister sur Terre. « Bon et toi, tu racontes quoi ? » demanda t-elle pour changer vite de sujet. fit-elle en riant.

« Tu lui as parlé ? » lui demanda Isaac en lui prenant la main. Elle se mit à rire doucement. Si seulement ça avait été aussi facile, elle ne serait surement pas dans cet état-là aujourd'hui. Le problème, c'est qu'elle n'avait pas bougé d'un millimètre, et lui non plus d'ailleurs. En même temps, elle ne le voyait vraiment pas quitter la belle rousse qui l'accompagnait pour venir la voir, elle. Elle n'était plus que sa demi-sœur, d'ailleurs elle se demandait même s'il la considérait encore comme ça, ou alors comme plus rien. Peut-être n'était-elle plus rien pour lui ? Elle regarda Isaac, lui faisant comprendre qu'elle ne voulait plus parler de tout ça. D'ailleurs elle ne prit même pas la peine de répondre à sa question, de toute façon il devait bien se douter de la réponse. Elle lui demanda alors, ce que lui avait de nouveau à lui dire. Le jeune homme lui répondit qu'il n'y avait rien d’intéressant, la routine quotidienne de la vie. Une question brulait les lèvres de la jolie blonde. Blondie savait qu'Isaac était amoureux. Jules c'était son prénom. Parker ne la connaissait pas vraiment, mais elle avait un sacré effet sur son meilleur ami. « Et... Jules, des nouvelles ? » demanda t-elle doucement. Peut-être qu'il n'avait, tout comme elle, pas envie d'en parler, et elle comprenait. Toutes ces histoires étaient trop compliquées à expliquer, et c'était souvent dur de s'exprimer sur le sujet. Surtout dans certaines circonstances. Mais Isaac et Parker se disaient absolument tout. À part ce soir, et ça ne leur ressemblait pas. C'est pourquoi Parks, après avoir laissé répondre Isaac, après une nouvelle gorgée de bière, une nouvelle poignée de chips et un soupir, recommença son petit récit. « En fait, il faut que j'en parle. Parce que... j'ai juste l'impression que ça va exploser au mauvais moment si je ne le fais pas... » Elle se leva et s'éloigna pour aller se poster contre la fenêtre. Le soleil se couchait, et les lumières de la ville commençaient à s'allumer ici et là. Elle se sentit envahit par une vague de mélancolie, tout à coup. Parker baissa les yeux, regarda longuement le sol, elle entendit Isaac se lever. Une larme au goût salé s'échappa du coin de son œil, pour aller mourir dans le creux de son cou, laissant une trace brillante sur sa joue. La jeune femme ne s'était jamais sentie aussi perdue, mis à part lors de la mort de son père, où son monde semblait s'être totalement écroulé autour d'elle. Elle avait su s'en relever, mais il lui avait fallu du temps. Beaucoup de temps. Regardant toujours le sol, elle prononça quelques mots. « Tu sais, j'ai cru pouvoir arriver à l'oublier. Je l'ai vraiment cru. Mais il est toujours resté dans ma tête, dans mes rêves, partout. Et tout le temps. » Elle se tourna vers Isaac, il était juste derrière elle, tout près. Elle se retenait de faire couler encore ses larmes, et elle se sentait totalement pathétique. Comme une adolescente ayant subi un chagrin d'amour. Dans le fond, elle était toujours une adolescente, enfin c'est ce qu'elle pensait d'elle. Ses réactions n'étaient pas celles d'une adulte, mais malgré tout, elle avait tellement mal qu'elle n'arrivait plus à gérer sa peine, sa douleur, sa colère. Les sentiments s'entrechoquaient dans son cœur, et ça ne l'aidait sérieusement pas. Vraiment pas du tout. « Excuse-moi, j'ai vraiment l'air d'une gamine. » Elle sourit doucement, mais la tristesse la gagnait de plus en plus. Tout à coup, elle se mit à pleurer à chaudes larmes. « Il n'était pas seul. »