« Tu devrais y aller, pour te changer les idées. » « Hm. » Olivia soupira en regardant Isaac. Il essayait de la soutenir du mieux qu’il pouvait, elle lui en était reconnaissante. Mais depuis son arrivée en ville, on ne pouvait pas dire que son état s’était amélioré. Tout ce qu’elle touchait, elle réussissait à le détruire. Mentir était devenu son quotidien, elle avait cependant vite compris que la vérité réussissait toujours à la rattraper. Elle ne pourrait donc jamais faire un trait sur son passé ni ses erreurs. « Ollie, vas-y. » « D’accord, d’accord. » Le bal se Rosemont un événement à ne pas rater d’après plusieurs personnes qui avaient eu le privilège de lui en parler. Jusqu’au bout Olivia s’était dit que ce genre de choses n’était pas pour elle. Aller s’amuser dans une soirée pour les habitants de cette ville n’était pas dans ses priorités. Ce qui la tracassait le plus pour le moment était son idiotie. Wyatt, l’une des seules personnes avec qui elle avait réussi à nouer des liens forts lui en voulait. C’était un ami, un ami spécial qui comptait énormément pour elle. Malheureusement, les vielles habitudes ne disparaissent pas si facilement. Olivia lui avait fait croire qu’elle était quelqu’un d’autre, elle s’était inventée une vie, plus rose, plus gaie et moins triste. Elle n’avait pas prévu que quelqu’un lui apprendrait la vérité avant qu’elle n’ait pu le faire. Elle était idiote, tous ces mensonges lui pourrissaient la vie plus qu’autre chose et elle s’acharnait à vouloir faire disparaître la réalité. Il lui en voulait, ce qui dans un sens était tout à fait normal. La confiance qu’ils avaient réussi à établir venait d’en prendre un coup. Si Wyatt apprenait maintenant la réalité sur sa toxicomanie, elle n’avait aucune idée de comment les choses allaient évoluer.

Avant de sortir du studio Olivia se dirigea dans la salle de bain. Elle retira un carrelage du mur et prit le sachet de poudre blanche posé derrière. C’était la nouvelle cachette qu’elle avait trouvé. Elle savait qu’Isaac était contre, il l’aidait du mieux qu’il pouvait, mais c’était peine perdue. Si elle ne prenait pas sa dose avec elle, elle savait qu’elle allait se retrouver en manque avant la fin de la soirée. Elle passa faire une dernière étreinte à son frère et sortit enfin dans la rue. Elle ne faisait plus rien de ses journées depuis son arrivée. Elle avait vaguement pensée à reprendre la danse, mais elle n’y mettait plus aucun sentiment. Son rêve s’était écroulé en même temps qu’elle. La brune arriva dans la salle des fêtes déjà bien pleine. Les festivités avaient déjà commencé depuis un bon moment, mais au fond elle s’en fichait. Le principal était qu’elle soit venue. Elle savait déjà qu’elle n’allait pas rester longtemps. Trente minutes, une heure, pour ensuite aller se poser dans un parc faire son train-train nocturne. Olivia se stoppa en plein milieu de la salle. Ces cheveux roux, même de dos elle arrivait à savoir de qui il s’agissait. Elle arrivait à le reconnaître sans la moindre difficulté et ses pas la guidaient directement vers lui. Elle savait qu’il lui en voulait. Elle savait qu’il lui faisait moins confiance, mais elle ne pouvait pas le laisser partir de sa vie si facilement. Olivia contourna les personnes présentes et se mit face à Wyatt en esquissant un sourire gêné. « Tu veux danser ? »

Soyons clairs, proposer une danse dans de telles circonstances n’avaient pas été la meilleure idée d’Olivia. Elle n’avait jamais été un génie et était loin d’en être un aujourd’hui. Elle avait juste espéré adoucir la situation. Elle s’en voulait de n’avoir pas dit la vérité à Wyatt. Elle s’en voulait et n’avait qu’une envie, se faire pardonner. Elle ne pouvait pas se permettre de le perdre, pas lui. Elle avait déjà perdu trop de gens pour accepter qu’il disparaisse de sa vie du jour au lendemain. Elle aurait été prête à faire tout ce qui était possible de faire pour ça. Si elle avait pu, elle aurait remonté le temps pour effacer ses erreurs, mais ce n’était qu’une idée farfelue. La réalité n’était pas aussi simple. Elle l’avait compris depuis des années. Elle avait grandi trop vite, elle avait changé et était devenue quelqu’un qu’elle détestait, mais est-ce que Wyatt pouvait le comprendre ? Lui qui n’avait pas connu ce que elle avait vécu. « T'es bien la dernière personne avec qui j'aurais envie de danser sur cette terre, Olivia ou quel que soit ton prénom. De toute manière je m'en fiche. » Elle soupira intérieurement. Qu’est-ce qu’elle imaginait aussi. Il la contourna et fit quelques pas. Olivia voulu le suivre, mais elle s’arrêta net quand il se retourna pour lui faire face. « Au fait je suis sûr que tes mensonges et surtout ta drogue te seront de très bonne compagnie. » Elle resta bouche bée, figée sur place. Les mensonges, d’accord. Mais la drogue, c’était une autre histoire. Comment était-il au courant ? Et depuis quand ? Le cœur de demoiselle commença à s’accélérer de plus en plus. « Ouais je suis au courant, Rosemont est une petite ville m'enfin ça tu le sais déjà. » Non, ça ne pouvait pas se terminer comme ça, pas de cette façon. Il n’avait pas le droit de lui balancer ça au visage et puis faire demi-tour et partir. Il n’avait pas le droit de dire ces choses-là et la rayer de sa vie. Alors qu’elle était incapable de bouger, lui s’éloignait. La distance qui les séparait ne cessait de s’agrandir, aussi bien physiquement que métaphoriquement. Si elle le laissait partir, elle ne pourrait jamais se le pardonner. Depuis un an, c’était la première fois qu’elle se sentait revivre quand elle était avec lui. Il n’était pas comme toutes les personnes qu’elle avait fréquenté cette année. Il avait une vie banale, une existence banale et un quotidien banal. Une famille, des amis, des études, il avait tout ce qu’elle désirait.

Olivia inspira profondément et se lança à la poursuite de Wyatt. « Wyatt ! » cria-t-elle au milieu de la foule de personnes. Qu’on se retourne sur son passage, qu’on la prenne pour une folle ou qu’on lui fasse des remarques désobligeantes, était le dernier de ses soucies. Elle prit le poignet du rouquin entre ses doigts et se mit une nouvelle fois face à lui. « Wyatt ! S’il te plait, tu … » Il ne la laissa pas terminé qu’il se défit de son emprise, déjà près à continuer son chemin en la poussant sur le côté. Non, non et non. Ça faisait tellement longtemps qu’elle n’avait pas été aussi déterminée qu’elle avait du mal à croire que c’était vraiment elle qui agissait. Elle voyait en elle l’ancienne Olivia, celle qui avait disparu en même temps que la dernière partie d’enfance qu'elle avait perdu. La brune posa ses mains sur les épaules de Wyatt pour l’empêcher d’avancer. « Je t’ai menti, je t’ai raconté des choses fausses à mon sujet, je t’ai laissé croire que j’étais quelqu’un d’irréprochable, mais je ne voulais pas que tu aies pitié de moi. » Elle s’arrêta quelques secondes pour reprendre son souffle. Elle avait tellement de choses à lui dire qu’elle ne savait plus par où commencer. Elle aurait du s’y prendre avant, elle le savait, mais c’était trop dur. Avouer que sa vie était misérable et qu’elle avait espéré mourir une dizaine de fois d’une overdose n’était pas aussi simple qu’il semblait le croire. Avant qu’il n’ait eu le temps de dire quelque chose, elle reprit avec une voix tremblante et des yeux déjà mouillés par les larmes. « Oui, je me drogue, je suis une toxicomane et je n’arrive pas à … Mais qu’est-ce que tu voulais que je te dise ? » Elle lui tapa les épaules en évitant de se mettre à pleurer. « Un père alcoolique, une mère impuissante, un frère en prison qui est partie dès sa sortie. Ça fait un an que je me drogue, un an que je vis au ralenti, un an que je n’ai plus aucun espoir, un an que je suis seule. S’il te plait ne me laisse pas toi aussi. » S’il croyait qu’elle allait le laisser partir et ne plus jamais le revoir, il pouvait toujours rêver. Il était borné, mais Olivia devait l’être autant que lui. Il était hors de question que leur amitié se termine aussi brutalement.