la fille qui n'aimait pas être aimée

Il reignait à la maison une atmosphère pesante, celle d'une soeur qui s'inquiète pour sa jeune cadette, et qui par tous les moyens tente de la garder en vie. Sienna était obsédée par le fait de la surveiller. Il en était de même pour son mari, qui s'était allié à elle malheureusement et qui tentait de rendre heureuse sa belle-soeur coûte que coûte. Charlotte ne supportait plus cette façon qu'avait sa famille de la surprotéger, elle avait besoin d'espace, d'air, et la façon de ces derniers de rester aux aguets, ou de l'occuper en faisant le ménage lui rendait la vie insupportable et encore pire qu'elle ne l'était déjà.
Allongée sur le divan du salon, la télévision allumée sur la chaîne des dessins animés, portant un vieux sweat shirt gris de l'université et un pantalon de jogging, les cheveux attachés en une simple queue de cheval, le visage pale et dépourvu de maquillage, elle se sentait épiée par Sienna. « Tu ne ressembles à rien Charlotte, ou alors à un mort vivant pas sorti depuis des mois » Celle-ci n'avait peut-être tout à fait tort. « Sors ! T'as des amis! » Sa remarque ne dérangea pas Charlotte, qui ne manquait ni de tact ni même d'assurance, et qui n'était pas facilement susceptible. Elle se contenta de lever les yeux vers son interlocutrice, lui lançant un regard foudroyant, et afficant un sourire moqueur elle répondit : « Et toi à une pimbêche qui n'a rien d'autre à faire que de se mêler de la vie de sa pauvre soeur suicidaire »
Sur ces bonnes paroles, elle se leva du canapé, et bousculant sa soeur, qui n'eut d'autre réaction que de lui demander où partait-elle comme ça, elle se dirigea vers la porte de l'entrée, et la claqua violemment une fois sortie.

Une mine affreuse. Sienna avait sûrement raison, mais elle n'y pouvait rien si son physique ne la préoccupait pas, ou plus plutôt.
Elle ne mit pas longtemps à trouver la personne qui pourrait l'aider, à qui elle pourrait parler, et qui lui manquait. Seule elle réussissait à al comprendre véritablement, sans la juger ou l'engueuler comme pouvaient le faire la plupart de ses amis. Elle ne lui ferait pas même une remarque sur sa coiffure qui ne ressemblait plus à celle qu'elle avait eu, ou sur l'absence de son rouge à lèvre rouche fétiche, et de sa jupe à fleurs.

Citation :

Hey toi, tu peux me rejoindre au parc dans dix minutes s'il te plaît ?

Voilà le message qu'elle envoya à sa plus proche amie Bay-Line. Elles avaient grandi dans le même quartier. Enfants, elles n'étaient pas les plus proches du monde, et puis à l'adolescence, elle s'était trouvée de nombreux points communs, et avaient lié une amitié très forte, qui lui faisait dire qu'elle pouvait compter sur elle. Elle l'adorait. Elle n'avait aucun secret pour elle, de même qu'elle connaissait Bay-Line par coeur.

Citation :

Bien sûr, j'arrive tout de suite !

Elle fonça à l'endroit de rendez-vous qu'elle lui avait donné et s'installa alors dans l'herbe, près de l'aire de jeux où jouaient des enfants. Elle les observa silencieuse, souriante, regrettant la belle époque qu'elle avait tant aimé. Cela lui fit penser à cet enfant qu'elle avait porté, et qu'elle n'aurait jamais. Si seulement elle avait pu l'emmener au parc, s'asseoir sur un banc, discuter avec les autres mères et crier sur son bambin pour qu'il arrête de faire des bêtises...

Ce matin, Bay-Line s'était réveillée chez Seth, comme bien souvent, depuis toujours. Ils avaient passé la soirée à faire du karaoké et autant vous dire que la soirée avait été du pure délire. Ils s'étaient amusés comme à chaque fois. A dix heures du matin, elle se réveilla et voyant que le jeune homme était toujours enfouit dans les bras de Morphée, elle décida de lui faire plaisir et de préparer un bon petit déjeuner. Pancakes aux myrtilles, jus d'orange, une tartine parsemée de nutella et du sirop d'érable pour les pancakes bien évidemment. Comment se faisait il qu'il y avait tout cela dans la cuisine du jeune homme? C'était tout simplement parce qu'en même pas dix minutes, la jeune femme fit un tour dans sa propre cuisine pour prendre tout ce dont elle avait besoin. Les deux jeunes gens étaient voisins, il était donc facile pour la jeune femme d'y faire en tour en deux secondes.

Vingt minutes plus tard, le petit déjeuner était prêt. Elle était en train de dresser le plateau copieux lorsqu'elle reçut un message. C'était Charlotte qui lui demandait si elle pouvait venir la rejoindre au parc dans dix minutes. Elle cessa alors tout ce qu'elle était en train de faire. Charlotte était sa plus grande amie. Elle tenait tellement à elle. Il leur avait fallu du temps pour s'apprécier mais depuis quelques années maintenant, elles étaient liées et se considérer comme des soeurs, je dirais même des âmes soeur. Elles s'étaient trouvés et Bay-Line ne pouvait plus imaginer sa vie sans elle. C'était un peu son Seth au féminin même si leur relation n'était pas aussi forte, elle l'était tout de même. Bien sûr, j'arrive tout de suite ! lui répondit elle. La jeune femme se dirigea alors vers la chambre de Seth, elle y laissa un mot. Y'a le petit déjeuner dans ta cuisine. Vénère moi quand t'auras goûté tout ça. Je t'aime. Je t'appelle plus tard. Elle partit alors de la maison et se dirigea vers le parc.

Quinze minutes plus tard, elle y était. Elle n'était pas très bien coiffé, et elle portait sa robe de la veille qui était du coup un peu froissée mais elle n'y prétait pas attention, sa seule envie était de voir la jeune Charlotte qu'elle aperçut assise sur l'herbe devant l'aire de jeux pour enfant. Elle souriait et s'approcha d'elle. Salut ma belle. Elle se baissa et enlaça son amie, puis s'assit à côté d'elle. Comment tu vas?? La jeune Bay s'inquiétait toujours un peu pour son amie, elle n'aimait tellement pas la voir triste, elle essayait toujours par tout ses moyens de la rendre heureuse.

Charlotte attendait patiemment sa grande amie Bay, c'est à elle à qui elle avait pensé sans trop grande hésitation pour lui voir. Elle l'appaisait, et pouvaient toutes les deux compter l'une sur l'autre, coûte que coûte. Cela faisait longtemps qu'elle ne lui avait pas parlé, charié, ou même écouté. Elle avait l'impression que depuis sa tentative de suicide, elle avait évité tout ceux qui lui étaient chers, dont Bay, qu'elle avait adopté comme soeur, son âme soeur en version amicale pouvait-on dire. Elles s'étaient bien trouvées.
Le souffle du vent lui faisait un bien fou, elle avait cette douce d'impression d'être légère, de voler, et que cet air lui indiquait qu'il était temps qu'elle se reprenne en mains, qu'elle change.
Assise, face à l'aire de jeux, elle se souvint à quel point Bay et elle avaient aimé comme deux enfants rouler dans l'herbe, jouer au '' devine qui tu es '', faire de la balançoire, en tirant la langue aux enfants qui les croyaient folles. C'était le bon vieux temps, quelque chose s'était éteint en elle. Bay lui en voulait-elle d'avoir changé ? C'était possible. Et puis elle avait Seth dans sa vie, eux aussi s'étaient bien trouvés, elle en était persuadée, et l'avait toujours dit : ils finiraient ensemble.

Elle fut interrompue de ses rêves naissants d'union entre Seth et son amie, et leur avenir, justement par cette dernière, qui souriante, radieuse, affutée d'une robe légèrement froissée. Salut ma belle. Un sourire sincère et soulagé apparut sur le visage blafard de Charlotte, les yeux rayonnant. « Merci d'être venue Bay, je ne t'ai pas dérangé au moins ? » demanda-t-elle gravement soucieuse de l'avoir interrompue dans ses activités matinales.
Celle-ci voulut savoir comment allait-elle, c'était une habitude chez les gens de demander aux autres comment ils allaient, mais entre Charlotte et Bay c'était plus que ça, c'était une preuve qu'elles pouvaient compter l'une sur l'autre.
« Je me suis disputée avec Sienna » Elle était assez touchée par leurs querelles, car au fond toutes les deux s'adoraient, c'était elle qui l'avait sauvée, qui lui avait demandé de venir vivre chez elle, Sienna s'était toujours occupée d'elle. Pourtant, depuis ce jour où elle avait été dans cet chambre d'hôpital, elle avait senti qu'elle serait étouffée par son inquiétude. Elle pouvait tout dire à son amie, elle l'écoutait attentivement, sans rien dire comme toujours. « Elle a peur que je recommence tu sais... Elle veut m'aider, je sais. Mais elle se torture, et elle souffre » Puis elle afficha un rictus gêné, se confiant avec une confiance aveugle. Elle examina son amie un peu plus attentivement, et décida de l'interroger à son tour. « Et toi môdame j'affiche un teint radieux digne d'une fille amoureuse, comment tu vas ? » Elle laissa échapper un ricanement, poussant légèrement son amie, pour la charier comme toujours. Elle n'avait pas ri depuis longtemps.
Charlotte voulait tout savoir pour Seth, elle espérait qu'un jour elle puisse enfin entendre de sa propre bouche qu'ils avaient compris qu'ils étaient amoureux, qu'ils avaient compris qu'ils ne pouvaient pas vivre sans l'autre, que c'en était impossible. Tout le monde savaient que Bay-Line et Seth s'aimaient, sauf Bay-Line et Seth.